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    mardi 30 mai 2017

    Filière viande


    La filière viandes n'est pas économiquement viable

    L’Algérie est un pays importateur de viandes, ceci sous-entend que la production nationale n’arrive pas à assurer la totalité de la consommation de la population.  L’importation qui se fait en nature, sous forme de viande, est la plus visible, et pourtant c’est la moins importante.


    Si on s’en tient aux plus importantes filières, à savoir la volaille, l’ovin et le bovin, on se rend compte qu’elles sont tributaires de l’importation de l’alimentation et de la couverture sanitaire. A part le foin, la paille, et une petite partie de l’orge, toute la ration alimentaire des élevages repose sur des aliments provenant de l’étranger.
    Ce serait le cas de l’aviculture pour 100%, l’ovin 80%, et le bovin de 80-90%. Il n’est donc pas permis de considérer que la filière viandes est économiquement viable étant donné qu’elle est adossée à la rente des hydrocarbures. Le secteur avicole, monté à la fin des années 1970 début des années 1980, est le mieux connu par les pouvoirs publics et dominé par les acteurs économiques nationaux. Mais d’une manière générale, la visibilité sur la production de viandes gagnerait à être améliorée, faut-il rappeler que tout le secteur est inondé dans l’informel. Cependant, les chaînes de valeur de tous les secteurs ne sont pas maîtrisées en amont (équipements, fourrages, produits vétérinaires…), et à l’aval, c’est-à-dire essentiellement à partir de l’abattage.
    Ceci pose tout de suite la question de la qualité sanitaire. Il est possible que pour les grands centres urbains, la majorité des abattages se font dans des abattoirs censés être contrôlés par des vétérinaires. Mais pour le reste du pays, quasiment tous les animaux passent par des abattoirs clandestins.  Il est difficile de parler d’organisation de la filière viande si on ne maîtrise pas toutes les étapes de la chaîne de valeur. La production animale étant étroitement liée à la disponibilité fourragère, qui elle est à son tour en concurrence directe avec la production destinée à la consommation humaine. Dans le cas de l’Algérie, les limites sont vite atteintes, en raison de la faible surface agricole exploitée (à peine 5 millions d’hectares) et de la disponibilité en eau, sachant qu’il faut 15 000 litres pour 1 kg de viande bovine, 5000 l pour l’ovin, et 4000 l pour la volaille.
    Pour l’heure, le déficit fourrager n’est pas lié à un choix de la politique agricole, mais à une simple incapacité  de  production.
    Développer les filières de production de viande rouge nécessite le choix de stratégies adaptées aux potentiels des ressources du pays. Pour le futur, il n’est pas possible de concevoir des systèmes de production intensifs classiques, puisqu’ils ne sont pas durables. Il s’agit de protéine animale, dont les itinéraires font que cette protéine soit la plus chère de toutes les autres types de protéines, 100 g de viande nécessitent 0.7 l de pétrole, c’est-à-dire qu’il faut 25 calories fossiles pour produire 1 protéine animale, un déficit énergétique important dont les répercussions environnementales ne sont  pas des moindres. Il faudrait aménager un plus grand nombre de niches écologiques pour développer des élevages semi-intensifs. Il est impératif de reconsidérer le patrimoine génétique local qui est le plus à même de valoriser les terres marginales.
    Ceci passe bien entendu par la sélection et l’amélioration des races locales, dont une bonne partie ne demande qu’à être reconsidérée, ce qui sous-entend l’implication de la recherche scientifique. Il est nécessaire de commencer à explorer l’exploitation du dromadaire, de la race Bademan sur laquelle nos voisins ont fait des progrès très significatifs… Il n’est pas exclu de prospecter dans la production de protéine à partir d’insectes, comme ont déjà commencé à le faire nos voisins tunisiens. Reste que le potentiel humain demande lui aussi une formation spécialisée, qui parfois doit commencer avec une instruction de base. Le capital humain pourrait alors être identifié en vue d’éliminer l’ensemble des acteurs spéculateurs, et de contenir l’élevage en tant qu’activité dans un monde professionnalisé. 
    Sofiane Benadjila : Expert en agriculture

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